Le français est le langage de la liberté
La langue française a de grands auteurs.
Avant de naître dans un pays ou même dans une famille, on naît dans une langue. Celle-ci concentre l'histoire d'une civilisation, d'une culture et de ses apports extérieurs. "Un enfant n'apprend pas à parler en grandissant, c'est le langage qui le fait grandir." Alain Bentolila L'homme, avant d'être un animal social, est d'abord un être parlant.
Le français, dont l'histoire commence avec celle de la France et de son empire, a été la langue mondiale de la diplomatie et de l'élite, dans une époque qui s'éloigne. Ses racines plongent dans le latin adopté par les gaulois, puis peaufiné dans les bourgs, les cours et les salons.
Une langue, c'est d'abord un peuple et celui-ci s'étend aujourd'hui du Canada à l'Afrique. En France même, celui-ci évolue sous des influences qui lui échappent trop souvent. Quand par exemple un corps de métier disparaît, c'est toute sa langue qui disparaît.
Aussi allons nous, nous aussi, non seulement défendre notre précieux outil, mais aussi l'aider à dépasser les écueils qui se dressent devant lui.
Parmi ceux-ci, le politiquement correct, d'origine américaine, doit être combattu. Il ne masque pas ses origines puritaines, loin de notre tradition de vérité.
Certes, le langage exprime une position politique, et certaines expressions péjoratives stigmatisent des minorités qui n'ont rien demandé ni mérité. C'est que le langage est un espace public (un espace public n'est pas un espace vide), une arène d'un jeu social qui ne peut lui être réduit.
Il ne s'agit pas pour nous de masquer les bêtises, mais de nous en moquer.
Le français est un latin commun, et a gardé cette veine réaliste.
On appelle un chat un chat, un aveugle un aveugle et un idiot un idiot. Et il n'y a qu'un idiot pour penser qu'un aveugle est un chat. Notons que si l'étymologie d'aveugle marque une privation, il n'en est rien de sourd ou de muet. Et il y aura toujours une analogie entre une privation et une autre. D'ailleurs, un handicapé ne l'est jamais en toute matière ...
Ce refus de distinguer signe une faiblesse de notre époque, que notre langue connaît sous le nom de pusillanimité (Faiblesse d'esprit, manque de cœur d'après Littré)
Il faut l'inconscience de la jeunesse pour penser que l'homme social est naturel. Ne pas connaître les ressorts de son éducation permet de plonger dans l'utopie.
Une société trop intellectuelle ignore qu'elle l'est et les consommateurs sans langage ne peuvent exprimer leur pauvreté. Ne pas parvenir à se faire comprendre est dangereux.
Le français est discriminant comme toutes les langues : c'est l'usage des mots qui les valorise et tout dépend de leur emploi.
Le structuralisme a ranimé la rhétorique, en donnant à la forme une autonomie et en déniant au sujet son existence. Le signifiant l'emporte sur le signifié. Les mots emporteraient d'après cette idéologie leur concept, entièrement formé. Le mot serait un code utilisé en dehors de son sens commun. Cette essentialisme castrateur révélera toujours plus sa tendance conservatrice, sous une apparence radicale. C'est oublier que les mots évoluent selon l'action des locuteurs ; c'est oublier le contexte.
La langue est le produit du peuple. Chaque fois que les élites ont essayé de l'orienter, ça a mal fini (au mieux dans le ridicule). La classe dominante est d'ailleurs en train de l'abandonner et parle maintenant anglais.
Mais l'anglais est encore plus dur que le français, et les notions sociales y sont plus séparées. Pierre Bourdieu avait montré que les postures, dans le langage comme dans la réalité, étaient des enjeux de pouvoir. Par exemple, l'appellation de toxicomane renvoie à l'exclusion de la santé sociale, tandis que parler d'usager de drogues supprime le sujet pour n'en faire que le résultat d'un processus qui le dépasse. Ce sont justement les mots buveur et fumeur qui identifient des membres de la société, ce que ne sont pas encore les marijuaniens ...
Le malheur de monde est renforcé par la façon dont on ne le nomme pas : il faut se battre contre le malheur, non contre son dévoilement. Les minorités sont reléguées, et d'abord parce qu'on les appelle des minorités. Le pouvoir ne mène ce combat que pour lui-même, pour empêcher toute coagulation de révolte. Orwell a bien montré l'usage que tous les "communicants" font de ces aspirations.
Ainsi, il n'y a plus d'arguments, mais des "éléments de langage", plus de camarades, mais "celles et ceux", on est plus licencié, mais "remercié", la maladie est devenue un problème technique : "il a gagné son combat contre le cancer" ou "le processus létal est engagé", il n'y a pas un homme qui a foncé sur une foule, mais un "camion fou" ;
Avec un langage simplifié, les autorités des média nous privent de réalité et rêvent d'une société de contrôle. La criminalisation de la bêtise (racisme, sexisme ...) conduit à son camouflage. L'idéologie woke rend souterrain le mouvement bestial qu'elle entend combattre : les violences faites aux femmes augmentent par exemple lorsque les conflits sont niés.
Le Comité national d'éthique est la nouvelle censure. C'est oublier que la liberté décrite par Epicure n'est pas la license. (Le Comité national d'éthique devrait se soucier d'Epicure.)
Attaquons nous déjà au refus de la possession. (ou en tout cas de son expression)
Vous avez peut-être entendu quelqu'un qui s'offusque de ce qu'un autre dise "mes enfants, mes élèves, mes clients ..." et qui le reprenne avec comme argument : "ils ne t'appartiennent pas !"
Sauf qu'en fait, ils lui appartiennent, mais pas comme des marchandises.
"Tout ce que tu possède te possède en retour" (Raoul Vaneigeim)
Ne confondons donc pas réification, matérialisme et possession.
La critique de gauche de la possession est puritaine. Après deux siècles de résistance, elle s'est convertie à la consommation, mais elle interdit la possession des êtres humains. La possession est vile et totale. C'est celle des choses (et des animaux domestiques ?) L'être humain est seul et sans passion... (il vote)
La critique essentialiste du matérialisme est d'ordre religieux ou artistique. Elle considère que ce qui importe dans un phénomène n'est pas la façon dont il apparaît, mais les liaisons avec les idées du spectateur. Celui-ci lit des romans. La matière est morte... (c'est triste)
La critique situationniste de la réification poursuit celle de Marx. "Vous aimez trop les choses et pas assez les hommes et les femmes. Vous aimez trop les hommes et les femmes comme des choses et pas assez comme des hommes et des femmes."... Ce ne sont plus les choses qui parlent le langage des hommes, mais les hommes qui ne connaissent plus que le langage des choses.
Dans les réallocations contemporaines, on peut voir à l'oeuvre les tendances séparatistes : tandis que la langue populaire s'émancipe toujours plus de l'orthographe, maintenant qu'avec les réseaux sociaux elle s'écrit ("ici sa rafale les keufs" Tag à Torcy), la langue savante se sépare en chapelles pédantes (" Ces orientations et ce contexte portent donc à défendre au niveau européen la mise en place d'une stratégie intégrée dont le contenu pourrait s'appuyer sur les recommandations de la conférence européenne de consensus sur le sans-abrisme ... " extrait du rapport d'une Mission confiée par Cécile DUFLOT à Alain REGNIER et Christophe ROBERT : POUR UN CHOC DE SOLIDARITE EN FAVEUR DES SANS-ABRI ET DES MAL LOGES, Rapporteure Marie-Christine BUTEL) ou militantes ("Les intervenant-e-s en sortent satisfait-e-s et outillé-e-s ...")
Document : Mise au point de l'Académie française
Après ces deux siècles de repli français, la modestie est de mise. Un honnête homme doit maintenant savoir parler anglais. Un jeune qui ne veut pas se couper du monde doit impérativement avoir une bonne pratique de cette langue. Celle-ci est d'ailleurs un créole français, grâce à Guillaume le conquérant. Et si elle a emporté une partie de notre vocabulaire, elle a gardé une grammaire apparemment simple, qui permet son universalité actuelle. C'est la langue de l'Europe, même si ce n'est celle d'aucun pays européen (le Royaume Uni a cessé de se demander s'il en faisait partie). Pauvre Union, qui ne parle pas sa langue ...
Cette pratique de l'anglais ne remplace celle du français que chez quelques esprits simples. Depuis des décennies (et non des décades), on se moque avec raison de ceux qui parlent le sabir pseudo-globish ("une gameuse qui a la map") et de ceux qui singent les américains.
On retrouve dans la séparation sexuelle cette confusion, qui fait confondre à plusieurs le sexe (masculin ou féminin) avec le genre (opposé à l'individu), tout ça parce que les américains n'ont qu'un neutre et que chez eux, la division sexuelle se traduit par "gender". Chez nous, on parle de beau sexe et de genre humain ...
Les sciences sociales doivent-elles encore parler français ?