La richesse du pays est-elle représentée par le PNB ?
On mesure généralement la richesse d'un pays avec son Produit National Brut. Celui-ci est l'évolution du Produit Intérieur Brut, mais il est concurrencé, dans l'idée en tout cas, par le Bonheur National Brut, utilisé dans un pays : le Bouthan.
Le PNB représente-t-il vraiment la richesse d'un pays ?
Indépendamment de faire la fortune des commentateurs de télévision, cette question revient à connaître le "niveau de vie", dont on se demande toujours comment il évolue.
L'économie est sensée nous permettre de gérer la création de richesse. Mais il ne s'agit que de la richesse quantifiable, et même échangeable. Un pont, une route, une fois amortis, n'ont ils vraiment plus de valeur ?
L'air, la vie sur terre, les ressources naturelles ne sont pas comptabilisés. Jusqu'à des catastrophes ? Peut-on gérer les accidents simplement avec une mutualisation des risques, comme le font les assurances ? Le niveau de vie ne propose pas le bonheur. La production n'est pas un but en soi, même pour les artistes.
La richesse monétaire signifie cependant quelque chose, tout comme l'économie fonctionne réellement. On peut leur reprocher leur superficialité, mais tous s'accordent à préférer la richesse à la pauvreté. (surtout les pauvres d'esprit, comme disait le Christ)
Le remplacement, dans la dernière phase du modernisme, des activités domestiques par des services marchands a mécaniquement fait augmenter le PNB, sans créer aucune richesse. Des échanges à l'intérieur d'une communauté, qui autrefois n'étaient pas monétisés sont devenus des coûts qui mesurent la perte d'autonomie des gens et qui passent en frais de gestion, d'emballage et de publicité, de gestion des flux et des déchets. Ivan Illich a fait remarquer que si chaque personne allait faire le ménage chez son voisin, et rémunérait son voisin pour le faire chez soi, on aurait une forte croissance.
On peut se demander si, en remplaçant la production par le produit, cet indicateur ne mesure pas en fait la financiarisation des processus, c'est à dire leur appauvrissement humain.
On a pu remarquer que le PNB d'un pays en guerre augmentait, alors que sa richesse diminuait.
Il y a une régression de la qualité à la quantité. On ne peut pas tout compter, et, en fait, ce qui compte le plus, c'est ce qu'on ne compte pas.
Si Hegel considère qu'il y a une dialectique entre qualité et quantité, ce n'est pas une simple juxtaposition : c'est parfois même une opposition.
Retenons quand même l'intérêt du critère des quantités produites, mais sans oublier que ce critère ne doit pas nous servir à mesurer notre progrès ou notre déclin. On pourrait avantageusement le comparer avec le poids des déchets. Le gaspillage peut être un critère, mais là aussi, la quantification nous mène dans une impasse : la productivité. Les gestes rituels, par exemple, sont-ils inutiles ?
Ce n'est pas la production qui est importante, mais le bonheur qu'elle prétend soutenir. Bien sûr, le bonheur n'est pas quantifiable : il ne peut être rapporté aux choses.
On pourrait partir de l'idée de bien-être. Certes, c'est aussi une idée difficile à quantifier, mais elle est bien sensible. On pourrait la ramener au patrimoine d'une population, à ses organisations de sécurité (médicale, civile, criminelle ...), à sa durée moyenne de vie en bonne santé, à sa perception de l'avenir, à son éducation, à sa liberté, à la satisfaction dans son travail. C'est l'idée de la mise à jour du rapport "Meadows" : le "Bien-être global". Mais il faut dépasser la modélisation si on peut avoir un débat sur le sens de la vie.
On mesure avec le PNB le volume des échanges. On a dépassé le calcul des productions industrielles (le PIB) depuis que les principales valorisations sont immatérielles. Reprenons donc le concept de richesse quantitative.
La production locale est donc le premier point : elle comprend les produits de l'agriculture (1) et de l'industrie (2). Il faut tenir compte de l'export, qui diminue la richesse locale (3), et de l'import, qui l'augmente (4). Il faut ajouter l'apport du tourisme (5), mais aussi l'argent qui rentre pour être blanchi (6) et l'import des différents trafics (7), ainsi que leur coût (8). Le rendement des placements doit être ajouté (9) et la valorisation du patrimoine existant (10). Il faut déduire les intérêts de la dette (11), la fuite des capitaux (12) et les différentes catastrophes (13).
Ce total serait ensuite à diviser par le montant des déchets (multiplié par leur dangerosité) pour fournir un résultat qui permettrait d'évaluer l'évolution des productions d'un pays.
Cette pure comptabilité, pour autant qu'on parvienne à la tenir, ne rendra cependant pas compte de l'amélioration ou de la dégradation des conditions matérielles d'existence, qui sont pourtant la raison de ce travail. Il faudrait tenir compte du travail improductif ou inutile d'un côté, et de la capitalisation de l'autre. Le résultat qualitatif serait donc de mesurer la quantité de capital qui s'accumule. On devrait diminuer cette quantité des multiples gaspillages et séparer ce qui n'est qu'une valorisation (ou dévalorisation) d'un patrimoine existant. Bien sûr, il faut contrebalancer ce patrimoine avec les intérêts de la dette, et se servir du résultat pour évaluer l'utilité de l'industrie, c'est à dire du travail.
Est-ce que ça en vaut la peine ? La richesse, c'est cela ?