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Force et limites de la raison : le rationalisme

La raison n'a pas toujours eu la possibilité d'expliquer le monde. Il y eu d'abord la pensée magique et la concurrence continue entre ces deux modes, comme on le voit lorsque l'information est douteuse.

La raison est présente chez chacun. Elle tire sa force sociale de la possibilité qu'elle offre de discuter de tout. A l'opposé de la métaphysique, elle éclaire les consciences face aux "Pourquoi ?" et "Comment ?". A l'opposé de la croyance, elle n'a pas besoin d'une autorité extérieure.

Le rationalisme est un mouvement daté dans l'histoire. En général, on attribue son avènement à Descartes. C'est un enfant du dualisme, de l'opposition de l'âme et du corps. Mouvement autonome de l'esprit, il projette sur la réalité l'analyse de sa perception et les constructions de sa logique. La représentation du réel doit s'extraire de ce que les indiens appellent "Maya", les idées fausses.
Tout doit pouvoir s'expliquer. Avec son optimisme, il va participer à la construction du réel moderne, tout en colorant celui-ci.

La raison s'exprime lorsque le miracle de la causalité apparaît aux hommes, c'est à dire assez tard. On se demande toujours la part de l'efficace et celle du symbole dans les premiers outils. On voit dans les approximations mécaniques du début de l'humanité la difficulté du cerveau humain et de l'histoire humaine à accepter la chose. C'est que l'homme se voit plus comme un esprit que comme un animal.
Les périodes de ces progrès n'ont pas été estimées à leur valeur : le néolithique, l'empire chinois, le moyen-âge ... Elles n'ont pas le panache des conquêtes militaires. On admire l'empire romain pour son pouvoir, non pour ses réalisations, qui sont pourtant encore grandioses.
Hegel va prophétiser un devenir du monde comme réalisation de la raison. Ce déterminisme historique peut difficilement justifier les massacres du 20è siècle.

Cette rationalité va porter sur les échanges et mettre au pouvoir l'économie. Le 19è siècle sera une période de spéculation intensive, spéculation sur les idées autant que sur les moyens.
L'ingénierie (quand un gendarme rit, tous les gendarmes rient ...) est le domaine technique de réalisation des constructions de la raison.

Ce sont les "lumières", la primauté de la raison qui ont permis l'élan moderne et l'idéologie du progrès. Elles ne sont pourtant pas responsable de la forme qu'ont pris ces derniers.

Nous nous sommes habitués à leur présence, et pourtant nous voyons réapparaître la magie avec les bêtises modernes du Spectacle.
Ainsi la tendance nihiliste qui voudrait que tout se vaut, que personne n'est irremplaçable, que le bien et le mal, le vrai et le faux, sont relatifs.
Ainsi également la puissance de la rhétorique, du marketing et de la publicité sur l'empire des esprits.

L'échec du rationalisme est celui des idéologies, de l'idée que le réel est cohérent avec l'esprit humain, que tout peut s'expliquer, voire que tout s'explique. Il n'y a plus que quelques complotistes pour y croire.

C'est que ce progrès a atteint des limites, y compris conceptuelles, avec le dépassement de la mécanique classique par la relativité. L'efficacité des modèles s'éloigne, tandis que la gestion utilise de plus en plus les probabilités. Les spéculateurs ont pris le pouvoir. Les principes d'incertitudes s'imposent et la complexité perce sous l'apparente évidence newtonienne. Les utopies se sont révélées bien plus dangereuses que les croyances. Un monde rationnel nous propose tout ce qui s'apparente à un cauchemar.

L'empire des rationalistes, des ingénieurs et des ouvriers s'éloigne. Devons nous nous en réjouir, ou craindre le retour de la religion, la grande niveleuse de l'esprit humain ? L'ambiguïté du capitalisme demande son dépassement.

Le paradoxe humain est pourtant que le réel n'est pas seulement à décrire, mais à construire. Pour cela, la raison, par son appui sur la logique et par sa méthode de contradictions, est nécessaire.
Pourtant, c'est la machine qui est chargée des réponses rationnelles, en attendant qu'elle s'occupe des émotions, tandis que l'opinion est de plus en plus dirigée par la propagande.