Pour la suppression de la Présidence de la 5è République
La P.R. actuelle, c'est-à-dire avec un pouvoir exécutif fort, a été mise en place par De Gaulle. On a parlé d'une monarchie élective, et il y a beaucoup à dire sur ces élections. Après le premier tour, le président est élu par défaut. Aucun des successeurs de De Gaulle n'avait la légitimité de la résistance et ils se sont appuyés sur ce qui restait du parlementarisme, tout en restreignant celui-ci. La dernière étape macronienne laisse un pouvoir inconsistant seul face au peuple.
On voit maintenant l'impasse dans laquelle se trouve ce "château", isolé, maladroit et omnipotent, qui gène la vie démocratique plus qu'il ne la régule. On parle de 6è république, mais toutes les attaques contre la 5è, qui a montré ses capacités d'évolutions, vient d'abord de ce pouvoir personnel qui lui a été surajouté.
Il faut en finir avec cette cour et ce trône. Il faut mettre fin à la Présidence de la République comme puissance exécutive. Ce dernier stade de la maladie française de la centralisation devient trop dangereux.
Le candidat à l'élection a du mal à se transformer en magistrat suprême. Le président se trouve en contradiction avec les promesses du candidat. Le sacre des élections n'a pas la transcendance pompeuse des monarchies. L'expression démocratique se réduit à un simple choix entre deux publicités, une fois tous les 5 ans ! Il serait logique d'inscrire la bi-polarisation dans la constitution, mais ce serait encore laisser la place à une opposition ... Les deux "écuries" des candidats finalistes ont "naturellement" une obligation de gouverner au centre et le public ne trouve pas son compte dans cette continuité. Un vote extrême, repérable par la brutalité de ses "solutions", n'a pas d'autre raison.
La désacralisation de la fonction commence avec l'élection, ses promesses et ses débats. Elle se poursuit avec l'implication du Président dans la gouvernance quotidienne. Elle s'achève avec l'usure naturelle d'une autorité sans contrepoids. Mitterrand l'avait critiqué dans "Le coup d'état permanent", mais s'en est accommodé immédiatement.
De Gaulle n'aimait pas les partis, mais ceux-ci formalisent des perspectives que l'homme providentiel obscurcit et les média en arrive plus à parler d'affects personnels que de choix stratégiques. On idolâtre un personnage qui cherche à briser son éloignement par l'impudeur.
La politique ne se résume pas à choisir un maître, qui ensuite ne sait pas quoi faire pour se maintenir. Les révolutionnaires de 1789 voulaient mettre le roi au milieu du peuple en le ramenant à Paris, mais la capitale est en train de devenir un nouveau Versailles, en se vidant du peuple et en se remplissant de courtisans et de domestiques.
Ce n'est pas une fatalité que l'isolement du dirigeant. Si la distance est nécessaire, elle doit impérativement garder des liens avec la population, et on sait bien que c'est possible. C'est la justification des Parlements, et même si cette représentation n'est jamais parfaite, elle laisse passer à travers ses défauts les mouvements de l'opinion.
Le régime parlementaire fait suivre le gouvernement de la discussion : l'assemblée est le lieu de confrontation des idées. La lumière naît de la contradiction. Il y a un lien entre la parole politique et l'action. A l'opposé, le plébiscite prétend que le choix du chef est le seul acte politique. Après, c'est à celui-ci de répondre aux difficultés du moment. Il n'y a plus de pouvoirs intermédiaires ; c'est donc une dictature par nature. On s'habitue à des décisions qui tombent du ciel.
"Nos contemporains sont incessamment travaillés par deux passions ennemies : ils sentent le besoin d'être conduits et l'envie de rester libres. Ne pouvant détruire ni l'un ni l'autre de ces instincts contraires ils s'efforcent de les satisfaire à la fois tous les deux. Ils imaginent un pouvoir unique, tutélaire, tout-puissant. mais élu par les citoyens. Ils combinent la centralisation et la souveraineté du peuple. Cela leur donne quelque relâche. Ils se consolent d'être en tutelle. en songeant qu'il ont eux-mêmes choisi leurs tuteurs.(...) Dans ce système. les citoyens sortent un moment de la dépendance pour indiquer leur maître, et y rentrent." Tocqueville
Cette concentration des pouvoirs est censée être efficace. Est-ce le cas ? Les derniers occupants du poste n'ont-ils pas accentués la faiblesse de l'état ? Le côté exceptionnel de leur élection semble diminuer leur légitimité.Ceux qui occupent le sommet de cette pyramide sont-ils vraiment ce que la France fait de mieux ? De Gaulle a sabordé les possibilités de l'indépendance de l'Algérie, Pompidou s'est enfermé dans la croissance, Giscard a accumulé le chômage, Mitterrand tué le socialisme, Chirac n'a rien fait, Sarkozy a fait semblant, Hollande a été un modèle d'incompétence ; si Macron est un intellectuel, on ne peut pas dire qu'il a tellement brillé ... Si ces personnages n'ont pas eu, malgré ce qu'on en a dit, de velléités dictatoriales, ils ont tous augmenté leur éloignement d'avec la population et d'avec la confrontation d'idées qui est la force des démocraties.
L'idée d'un chef (selon le mot de De Gaulle) capable de montrer au pays une direction souffre de ses dernières personnalisation. Qui admirera les hauteurs de vue d'un Macron, d'un Hollande ou d'un Sarkozy ?
La P.R. est inefficace.
Parmi les gouvernements européens, la dyarchie française entre un Président et un Premier ministre est une originalité qui ne nous renforce pas. On l'a vu dans les périodes de cohabitation dont les français approuvaient cependant l'équilibrage.
Le Premier ministre n'est pas le collaborateur du Président, et celui-ci ne devrait pas avoir de "domaine réservé" hors du contrôle parlementaire. Il y a eu jusqu'à un doublon de chaque ministère à l'Elysée et cette superposition n'a évité aucune difficulté, au contraire. Les "hommes du Président" n'ont pas été élus et n'ont pas l'expérience des contraintes pratiques. Tout descend d'en haut. Les partis, les syndicats, les collectivités locales, les débats d'opinion, les villes de province n'ont d'existence qu'à l'ombre de l'Elysée.
Ce centralisme peut bien prétendre défendre les territoires, tout se décide à Paris, entre ces deux cabinets. Un président "normal" n'a pas sa place. A l'abri des contradictions d'un parlement, il n'écoute que sa cour, qui cherche plus à plaire qu'à faire preuve de compétence. On lui demande de trancher les ambiguïtés, mais il ne peut s'appuyer sur rien. La monomanie est une faiblesse visible : les intermédiaires sont court-circuités et dévalorisés. Les candidats aux fonctions publiques et leur niveau diminuent naturellement et les revendications populaires ne se peuvent se faire entendre que par la violence.
Même dans les négociations internationales, le Président manque de la véritable autorité qui serait nécessaire.
Elle est nocive.
La répartition des rôles entre un Président stratège bon enfant et un Premier ministre "fusible" chargé du travail quotidien est une mauvaise pièce de théâtre dont les Français ne veulent plus. Chacun sait que ces deux personnages sont en compétition et on a vu des périodes où ils ne travaillaient qu'à se nuire l'un l'autre. L'exécutif est normalement responsable devant le Parlement, comme devant la justice, mais la Présidence, parce qu'elle est censée représenter le pays et non sa politique, échappe à ce contrôle. Chaque Président prétend dépendre de tous les français, mais un système de "dépouilles" à l'américaine est en train de s'installer dans la haute administration, avec des nominations alternées tous les cinq ans. D'arbitre au dessus des partis, le Président est devenu un super Premier ministre.
Jaloux de son pouvoir personnel, le président n'encourage pas les compétences. "Le vide qui entoure le trône m'effraie" (Fénelon)
Quand on voit les candidats de la dernière élection, on voit bien qu'il y a quelque chose de faux : l'opinion française n'est pas représenté par 3 trotskystes et 8 europhobes sur 11.
Avec le pouvoir sans contrôle qui est le sien, imagine-t-on le pouvoir d'un véritable fasciste, élu par la lassitude des Français ?
Elle peut être supprimée sans dommage.
Il faut rappeler que l'élection du Président au suffrage universel n'est pas consubstantielle à la cinquième république, mais lui a été rajoutée en 1962 (et par un viol de la constitution). La constitution garantit théoriquement le pouvoir exécutif fort du Premier ministre. Le mode de scrutin des députés ou l'article 49.3, par exemples, lui assurent une majorité stable et les moyens de faire une politique continue mais sous contrôle. C'est peut-être justement la présence du P.R. au dessus de sa tête qui limite cette politique. Il faut revaloriser le débat parlementaire. Tous les autres pays européens sont autant d'exemples de ce que la Présidence ou la Royauté n'a pas à interférer avec la politique. Voilà un domaine où nous aurions avantage à nous européaniser.
Nous avons deux possibilités : supprimer la fonction ou la faire évoluer en la privant de pouvoir politique.
Ce ne sera cependant pas facile
Aucun candidat ne peut s'attaquer à ce rôle, puisque tous le désirent et qu'ils se sont généralement préparés toute leur vie dans ce but. Il ne faut pas attendre de quelqu'un qui s'est battu pour détenir le pouvoir qu'il le restreigne une fois qu'il sera élu. Ainsi chaque Président renforce la Présidence.
Nous voulons nous émanciper de ce père qu'à été De Gaulle, qui fut peut-être nécessaire au moment de la décolonisation, mais qui n'est plus de notre époque. Notre constitution se rapproche de celle de l'Egypte, de la Russie ou de l'Algérie, tous pays modèles de "démocratie" : le régime présidentiel se présente comme un concurrent de la démocratie parlementaire.
Cette invention française rejoint un besoin du spectacle. La primauté d'un vote unique et "direct", sur les élections "indirectes" de représentants et de corps intermédiaires est le signe d'une dérive populiste. Il n'y a que de la communication, au dépend du fond. Ainsi, pendant l'épidémie, le gouvernement a pris des mesures dont l'autoritarisme jusqu'ici inimaginable montre la faiblesse.
Les médias rêvent d'un gouvernement de l'opinion, selon les sondages au jour le jour, et qui ne réagirait, sentimentalement, que sur des faits divers.
Il faut se rappeler que Sarkozy a quand même invité Bachar El Assad et Mouhamar Kadhafi, que les américains ont eu à choisir entre Trump et Clinton (qui est une femme, certes ...), qu'au Brésil, au Vénézuela ou au Gabon, les peuples souffrent et s'entre-déchirent sur des concurrences de clans.
Avec l'élection au suffrage universel, la réduction de la durée du mandat, l'inversion des élections législatives, la centralisation s'est achevée et l'assemblée nationale doit son élection à celle du président.
C'est une dérive, sans doute dangereuse. Les lois de "moralisation" et l'interdiction d'un mandat exécutif (cumul) ont, avec démagogie, encore affaibli les parlementaires et les possibilités de contradiction et de contrôle. Les libertés publiques ou l'indépendance de juges nommés sont fragilisées. Dans le même temps, la précarisation des salariés limite leurs moyens de contestation. La personnalisation du pouvoir lui enlève son objectivité et, de ce fait, sa stabilité. Celle-ci n'est retrouvée qu'avec l'inertie de la nécessité de gouverner au centre.
Ces évolutions vers un pouvoir personnel supposé fort sont appelé "démocratures". Mais en réalité la mise hors d'atteinte de la Présidence l'a rendue plus faible tandis que la constitution garantit le pouvoir du premier ministre. La possibilité de contradiction et de débats favorisent l'autorité, à contrario de ce que prétendent les monarchistes, dont l'autoritarisme appelle à l'anarchie.
Cette république est malade : la présidence ne se justifie plus, les pouvoirs intermédiaires sont contournés et contrôlés uniquement dans le sens de leur servilité. L'assemblée Nationale rejoint le peuple dans le mépris.
Le personnel politique est déconnecté, dévalué et dépossédé de ses pouvoirs par une conjonction systémique apparemment impossible à maîtriser qui rend les décisions impuissantes et fuyantes. L'état semble s'écrouler : les justifications des politiques ne masquent plus l'inefficacité de leurs mesures. La complication répond à la complexité des besoins. Le citoyen est devenu un consommateur.
Un état d'esprit délétère règne dans le peuple et dans les élites, à se refermer sur soi-même et à croire dans les mêmes vieilles rengaines qui ont enterré la gauche. La croyance dans des complots n'a jamais été aussi forte. Une surévaluation de notre système social et de nos revenus nous empêche de nous adapter à un monde ouvert et changeant. L'idée de la rente domine les esprits : rente capitaliste ou rente de situation, de toute façon, le rêve est de dormir. Et ça ne s'est pas arrangé avec l'immigration, dont une partie n'entend que profiter des avantages sans donner quoi que ce soit. L'exemple est sans cesse donné d'en haut, avec une course à l'enrichissement.
L'élection présidentielle devrait être le moment de poser les questions essentielles de la politique française. Puisque c'est tout ce qui nous reste de la démocratie que nos ancêtres ont voulu installer, ce moment ne devrait pas être entièrement occupé par des bonimenteurs racontant ce que des spécialistes en communication leur disent sur que les français veulent entendre.
Un peuple majeur doit avoir un gouvernement responsable.
La politique s'est dissoute dans le Spectacle :
La représentation s'est éloignée de l'idée partisane ou même politique, et les élus sont d'abord ceux qui, quelque part, sont "propriétaires" de leurs militants et suiveurs. C'est dans la capacité à trahir ceux-ci que le pouvoir va s'exprimer. On ne peut qu'être frappé par la généralisation de la trahison : on connaît celle de Hollande par Macron, mais on se souvient de celle du parti Socialiste par Hollande, de celle de Chirac par Sarkozy, de celle de Chirac par Balladur, de celle de Chaban-Delmas par Chirac, de celle de De Gaulle par Giscard. Ces trahisons descendent de celles des partis : de la gauche par la gauche et réciproquement ou de l'écologie par ses ministres, et de celles des administrations : ainsi du laxisme de la Justice ou de l'Intérieur ou de la dette des finances. La trahison semble le principe même de la politique sous ce régime. Il n'en a pas toujours été ainsi, et le parlementarisme a exprimé de véritables désaccords, mais ceux-ci ont été bannis par une démagogie qui fait croire à l'efficacité de la monomanie.
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L'exemple chinois :
"Comment avons-nous pu en arriver là ? En concentrant tous les pouvoirs entre les mains du chef de l'Etat, notre régime a sabordé sa gouvernance. Nous sommes revenus à une époque où règne un Chef Suprême et où notre prétendue "gouvernance moderne" ne fait que gripper l'ensemble de l'appareil étatique. Cette maladie se manifeste par deux symptômes évidents que j'ai déjà évoqués : le "désordre organisationnel" et "l'impuissance institutionnelle".
Ne le voyez-vous donc pas ? Celui qui est censé nous diriger est en réalité aveugle, d'une parfaite nullité aussi bien dans la gestion de l'Etat que dans sa méthode de gouvernance, pour le moins inexistante. Il navigue à vue, sans cap et sans méthode ! En revanche, il excelle en manipulation et jeux de pouvoir."
Xu Zhangrun - ALERTE VIRALE - R&N éditions 2021 - page 41
Voir Gaspard Koenig