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Les copropriétés entre rêves et dangers

La copropriété est régie (en France) par la loi de 1965. Celle-ci est essentiellement une défense du petit propriétaire contre le collectif qu'elle établit.
La copropriété permet de diminuer les seuils d'accès au logement. Elle a une performance économique, mais un fonctionnement fragile. Il faut examiner ses capacités à répondre aux enjeux actuels.

L'association que représente ce dispositif regroupe des personnes avec des projets tous différents, mais en général complètement indépendants les uns des autres : certains veulent se loger, d'autres trouver un rendement locatif. Certains logent leurs enfants. La plupart entendent faire une plus-value. La notion de patrimoine ne recouvre pas la même idée chez chacun et certains n'envisagent pas le temps long ... Le temps de rotation y est en moyenne de 7 à 8 ans.
La loi française rend difficile la mixité fonctionnelle à l'intérieur de la copropriété. Cependant, elle existe nécessairement, ne serait-ce qu'entre les propriétaires occupants et les bailleurs. On voit encore une fois la raideur administrative de notre pays.

Il y a plusieurs catégories d'acteurs : les propriétaires qui ont investi et portent la responsabilité du bâtiment, les occupants, les tiers et l'état.
C'est la spéculation foncière qui explique principalement l'attrait des copropriétés dans les métropoles. Cette spéculation limite l'accès au logement, mais permet une plus-value. Résultant de l'emplacement, elle n'a pas de lien avec les besoins d'entretien du bâtiment.

On confond dans les difficultés actuelles des copropriétés celles de l'organisation d'un patrimoine commun et celles de la mixité sociale. La copropriété est un de ces organisme collectif que l'état français ne sait pas assister, mais qu'il veut dominer et sur lequel il ne se prive pas de faire pleuvoir toutes les obligations que la sensibilité du moment demande. C'est d'autant plus facile qu'un copropriétaire est en quelque sorte prisonnier. Les pouvoirs publics voudraient disposer d'une veille dans chaque copropriété, mais sans débourser quoique ce soit, et ne se privent pas de renchérir encore les charges. Raisonner par obligations, c'est encore plus miner l'esprit collectif déjà fragile. Avec par exemple la mise en place d'un fond de prévoyance, c'est un investissement collectif que les pouvoirs publics désespèrent de trouver. C'est vouloir recréer artificiellement la solidarité intergénérationnelle.

La copropriété est une forme originale de partage de parties communes et de répartition de lots privés. Elle repose sur les choix d'une Assemblée générale annuelle, choix ambigus et incomplets. Ces choix sont ambigus parce qu'ils s'appliquent sur un bâtiment et supposent une communauté de personnes ; ils sont incomplets parce que les décideurs, les copropriétaires, ne disposent ni des compétences, ni des informations nécessaires à leur prise de décision. Ainsi, ils s'en remettent à un syndic, à l'autorité du Conseil syndical, ou même à un principe général pour tout ce qui ne les concernent pas directement, tandis qu'ils intervienne fortement dès qu'ils sont personnellement impliqué. Les votes de financement sont toujours perçu comme des charges à éviter, alors qu'en même temps on réclame des actions.
Les choix de l'Assemblée Générale se basent plus facilement sur les coûts que sur les compétences.
En étudiant la copropriété et ses prestataires, on voit qu'elle ne se comporte pas toujours en sujet, en maître d'ouvrage, mais en client, et souvent client obligé.

Une approche professionnelle de l'entretien de la copropriété demanderait un plan de gestion de l'actif sur plusieurs décennies. Pour cela, un bon rapport avec le syndic est nécessaire : nommé pour un an, il doit sentir qu'il est là pour une plus longue durée. Cette approche repose essentiellement sur les propriétaires occupants, sur le syndic, sur l'architecte s'il est là. Une des idée récurrente des pouvoirs publics, c'est de faire intervenir en copropriété des acteurs professionnels. Ceci a un coût, qui surcharge encore ce montage d'opération.
La complexité juridique ne fait rien pour améliorer l'investissement dans le bien commun. Le fonctionnement d'une copropriété tient beaucoup à l'investissement du Conseil syndical et du syndic, alors que la gestion tient d'une comptabilité dont le contrôle est fastidieux. Les dépenses devraient s'analyser en coût global, mais les incertitudes liées à celui-ci sont inacceptable pour une Assemblée générale. De plus, celle-ci doit aussi bien régler des questions économiques, techniques, juridiques que de fonctionnement et d'occupation ... Le copropriétaire n'est pas le consommateur de la copropriété.
Les problèmes rencontrés sont autant des questions d'organisation que des problèmes de la vie en collectivité.

Une des solutions à ces problèmes serait de financiariser les copropriétés, de les considérer comme des sociétés civiles par actions, avec des occupants tous locataires, selon le modèle canadien, qui resterait à améliorer.

Une autre solution serait de considérer la copropriété d'habitation comme un lieu de vie, dirigé par les occupants. Les propriétaires bailleurs superviseraient le pouvoir de leur locataires, mais ne pourraient s'opposer à leurs choix de travaux. Cette solution permettrait sans doute un meilleur entretien des bâtiments. Il faudrait répartir différemment les pouvoirs de ces trois instances : l'Assemblée Générale (les occupants), le Conseil syndical et le Syndic.

Plutôt qu'un bâtiment partagé, la copropriété s'apparente à une société civile immobilière, avec ses règles propres. La considérer d'abord comme une réunion d'individu permet de montrer les différences d'approche. En effet, on rentre dans une copropriété en croyant acheter un appartement, alors qu'on achète le lot d'un syndicat. On peut vouloir se loger, loger un proche, se créer un patrimoine, chercher une rentabilité locative, spéculer sur un placement financier, se garantir pour l'avenir ; on n'envisage rarement de cogérer un patrimoine. On peut, et on doit distinguer un investissement dans l'immobilier et un projet de vie "en voisinage".
On ne compte pas les désordres, les sinistres et les contentieux dont l'origine est la division entre les parties privées et les parties communes.

Si l'on envisage la copropriété comme un habitat collectif, il faut comprendre les intérêts de 3 catégories d'occupants : les (co)propriétaires, les locataires, les affiliés. Leurs participations aux dépenses et aux décisions sont différentes. Mais une copropriété peut également comporter des lots d'activité, et donc des utilisateurs professionnels, quand ce n'est pas du public. Quelle représentation ces usagers peuvent-ils obtenir ?
il ne serait pas si révolutionnaire de considérer que ce sont les occupants réguliers qui devraient être les membres de l'Assemblée Générale. Voilà un beau terrain de complications pour nos chers technocrates.

Quand on étudie l'ambiance au sein des copropriétés, par exemple les dynamiques au sein des Assemblées générales, on perçoit la résistance à leur participation : aller à l'AG est une corvée. Cette résistance doit bien avoir une raison ... La prise de décision y est un phénomène particulier : si elle n'est pas déjà préparée, elle restera fortement limitée à l'économie. Les problèmes de vie quotidienne ont également tendance à venir perturber ce déroulement.
L'extériorité de la gestion, de même que l'intervention de techniciens, a un coût. Tout travail mérite salaire et le bénévolat ne garantit pas la compétence. Quand on parle de sensibilisation à l'entretien des parties communes, on manie pour la plupart des gens une abstraction.
Un carnet d'entretien ? Ce fantôme si souvent invoqué et si rarement à jour nécessiterait une véritable gestion là où il n'y a que supervision comptable, toujours trop chère.

Vis à vis de l'extérieur, cette entité devrait pouvoir se projeter et participer à la construction de la ville sur la ville. Mais la copropriété semble incapable de porter un projet constructif. Cette inertie est également un grand défaut.

La taille d'une copropriété est un facteur essentiel : une petite n'a ni les mêmes besoins, ni les mêmes moyens qu'une grande. Le cadre juridique peut être inadapté dans les les deux cas, pour des raisons différentes. Trop petite, toute intervention extérieure, même celle d'un syndic, est une lourde charge et un renchérissement de l'usage. Trop grande, elle devient lointaine et bureaucratique. Il semble qu'à moins de 10 lots ou à plus de 100, le dispositif soit inadapté.

Il y a aussi confusion entre le bâtiment et la parcelle, confusion théoriquement évitée par les règlements de copropriété, mais pas toujours par les copropriétaires.
Tout repose sur le Conseil syndical, qui n'est pas nécessairement compétent, représentatif ou disponible. Le fonctionnement semble complexe et obscur et, là comme en politique, il y a une crise de la représentation. Personne n'aime les syndics, pourtant nécessaires. En moyenne, un syndic d'une copropriété le reste 13 ans.

La loi sur le logement du 24 mars 2014, dite loi "ALUR", a amélioré le fonctionnement des copropriétés : le contrat de syndic est normalisé et forfaitisé ; le compte bancaire doit être au nom du syndicat et séparé de celui du syndic ; un registre national des copropriétés est mis en place ; un fond travaux doit être abondé.
Reste à voir si cela suffira à prévenir les spirales de difficultés que certains syndicats connaissent, souvent dans des territoires périphériques, avec des occupants pauvres ou des bailleurs indélicats.

Un colloque a été organisé mercredi 26 avril 2017 sur l'avenir des copropriétés, au Canada, en Belgique et en France par Planètecopropriété.
Nous avons cependant constaté un contournement systématique de plusieurs questions, qui ne peut s'expliquer que par la séparation du rôle des intervenants.
Ainsi :